Jean-François Coulomme
Né en 1966, Jean-François Coulomme est membre de La France insoumise. Il est élu conseiller municipal de la commune de Déserts en 2020 et député de la 4e circonscription de la Savoie en 2022.
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La France insoumise (abrégée LFI ou FI)
Fondé le 10 février 2016, La France insoumise est un parti politique dont le positionnement est analysé comme écosocialiste, de gauche radicale, ou également parfois d’extrême gauche.
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Synthèse de l’analyse de la proposition du RIC constituant de Jean-François Coulomme
Pour évaluer la qualité des différentes propositions de RIC, les spécialistes comparent le texte de loi aux critères exprimés et désirés par plus de 75% des Français dans les différentes consultations citoyennes : Parlement & Citoyen, Vrai Débat et Culture-RIC. La méthodologie consiste à chercher les différents éléments dans le projet de loi afin d’attribuer des notes par catégorie.
Note obtenue par Jean-François Coulomme (LFI)
Note globale obtenue : 68,5 / 300
Nombre d’étoiles obtenues : 0 / 3
Obtention du Label RIC : Non
➤ Lire la proposition de RIC constituant de Jean-François Coulomme (LFI)
Explication de l’article
L’article unique supprime la possibilité de faire adopter une révision constitutionnelle par le Parlement réuni en Congrès au détriment d’un référendum et instaure la création d’une procédure de révision constitutionnelle d’initiative citoyenne.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique
L’article 89 de la Constitution est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « et aux membres du Parlement. » sont remplacés par les mots : « , aux membres du Parlement et à toute personne inscrite sur les listes électorales ».
2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Toutefois, la proposition de révision n’est pas présentée aux assemblées lorsqu’une personne inscrite sur les listes électorales en est à l’initiative. La proposition de révision doit être déposée et atteindre un seuil de signatures dans les dix‑huit mois suivant son dépôt et dans des conditions déterminées par une loi organique. Le Président de la République soumet ensuite la proposition de révision au référendum dans un délai compris entre trois mois et un an. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum ».
Conclusion du Label RIC
Cette proposition est plutôt intéressante. Elle fait suite à un engagement public de Jean-François Coulomme à l’occasion de la campagne législative 2022 et de discussions avec le collectif Espoir RIC qui suggérait de déposer une proposition semblable à la proposition de la campagne présidentielle de Clara Egger.
Engagement public
Audition d’Espoir RIC
Cette proposition de RIC déposée à l’Assemblée nationale répond bien à certaines attentes des Français car elle permet de faire des propositions en matière constitutionnelle et garantit que toute révision de la Constitution ne puisse être validée que par référendum.
Cependant, contrairement aux versions précédentes rédigées pendant la phase de travaux préparatoires, la version finale ne fait mention de pratiquement aucune modalité. Au delà du fait que le seuil de signatures n’est pas indiqué, il est précisé que les conditions du dépôt sont “déterminées par une loi organique” qui n’a pas été rédigée. Il n’est donc même pas possible de dire si l’initiative peut être qualifiée de “réellement citoyenne”. Il est seulement indiqué que “La proposition de révision doit être déposée et atteindre un seuil de signatures dans les dix‑huit mois suivant son dépôt et dans des conditions déterminées par une loi organique”. Cela a permis de faciliter la cosignature des autres députés LFI, qui ont tous signé (mis à part Raquel Garrido), mais cela n’est pas sans conséquence sur la note du Label RIC.
En l’état, cette proposition n’obtient aucune étoile. Avec une note de 68,5/300, il serait nécessaire que de sérieuses améliorations soient apportées.
Observations
Cette proposition de RIC constituant n’est pas la seule proposition de RIC qui ait été déposée par La France Insoumise. Il existe une proposition assez complémentaire déposée en 2019. Celle-ci se voulait répondre à la demande des Gilets Jaunes, mais présentait un défaut juridique : l’article 89 n’était pas modifié par la proposition et rien (en dehors de l’exposé des motifs) ne précisait que le RIC pouvait porter sur des révisions constitutionnelles.
Une nouvelle évaluation du RIC défendue par LFI prenant en compte les deux propositions de loi permettrait d’évaluer l’ensemble de ce que propose le parti. À condition toutefois que ces deux propositions soient intégrées dans le programme officiel.
Nous notons que, comme en 2019, l’exposé des motifs est assez remarquable. Bien que ces textes n’aient pas de valeur légale et ne soient donc pas notés par le Label, ils peuvent servir de base argumentaire pour qui voudrait défendre le RIC.
Exposé des motifs de 2019
Mesdames, Messieurs,
La souveraineté démocratique est fondée sur la souveraineté du peuple
Notion de souveraineté du peuple
Le peuple français est la source de toute souveraineté politique démocratique, comme le consacre le texte constitutionnel dans son article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. »
L’acte politique fondamental d’un groupement d’individus est de créer une souveraineté, c’est‑à‑dire décider collectivement de règles qui s’appliquent à tous. C’est par là qu’une foule rassemblée, sans cohérence sinon sa situation géographique particulière, devient un peuple politique, qui se donne la cohérence de lois communes, applicables à toute·s.
La démocratie est donc la forme politique que prend l’exercice de la souveraineté du peuple sur lui‑même. Le Contrat social, comme le théorise Jean‑Jacques Rousseau dans son texte fondateur de l’idée moderne de la République, ainsi constitué permet d’articuler le fait de décider de la loi, et le fait d’y obéir.
Condition d’un contenu républicain : la recherche de l’intérêt général
Le peuple politique composé de citoyen·ne·s décidant non de ce qui est utile pour soi, mais de ce qui est bon pour tou·te·s, peut définir l’intérêt général. La République se constitue à partir du moment où le peuple est souverain pour décider de l’intérêt général : d’un point de vue social, écologique, démocratique, économique, c’est le peuple qui défend l’intérêt général.
Voilà ce qui devrait constituer l’esprit d’un texte constitutionnel démocratique et républicain. Pourtant, la constitution de la Ve République, si elle s’appuie sur des principes fondateurs démocratiques, ne laisse que peu de place à l’exercice de la souveraineté populaire en dehors de l’élection de représentant·e·s.
La constitution de la Ve République empêche l’exercice réel de la souveraineté
Face à un conflit de légitimités, il n’existe pas de moyen de recourir à l’expression directe de la volonté générale
En effet, les modalités d’exercice de la souveraineté populaire reposent presque exclusivement sur l’élection de représentant·e·s. Or, il arrive qu’un conflit de légitimités entre les représentant·e·s du peuple et le peuple lui‑même éclate. Dans ce conflit, les représentant·e·s tirent argument de la légalité de leur élection, et par conséquent de leur légitimité à prendre les décisions conformes au programme sur lequel ils·elles ont été élu·e·s. Le peuple se rassemble, manifeste, pétitionne et conteste des décisions prises en son nom. Il refuse que les sondages d’opinion se substituent à lui et servent de caution à une politique qui est contraire à son intérêt.
Il arrive même que l’expression de la volonté générale ne soit pas respectée. Par exemple, en 2008, le vote de la loi constitutionnelle permettant d’intégrer le Traité de Lisbonne, signé en 2007 est clairement en opposition avec le vote du peuple par référendum en 2005 qui s’opposait, à une majorité de 55% des exprimés, au Traité Constitutionnel Européen. On aura beau jeu de dire que ce n’était pas le même traité, mais son orientation politique était rigoureusement la même, et son contenu essentiellement semblable. Le vote des représentant·e·s du peuple réuni·e·s en Congrès est donc revenu sur une décision majeure du peuple lui‑même, exprimée par référendum, et portant, qui plus est, sur sa propre souveraineté. Quelle possibilité le peuple eut‑il ensuite de sanctionner des représentant·e·s qui étaient allé·e·s aussi manifestement à l’encontre de la volonté populaire ? aucune !
Les élu·e·s ont pu poursuivre leurs mandats sans que le peuple ne puisse d’une façon institutionnelle et juridiquement contraignante protester contre une telle forfaiture.
Cet épisode, ainsi que beaucoup d’autres accumulés, ont fait entrer le peuple français dans une grève civique et une colère froide. En témoignent les taux d’abstention croissants, y compris à l’élection présidentielle, et la conviction qui se répand de plus en plus selon laquelle il ne sert à rien de voter, puisque les décisions prises le sont malgré le peuple et que le vote n’y change rien, que les promesses de campagne n’engagent que les benêts et les naïfs qui y croiraient encore. Ce sentiment rend impossible toute tentative de campagne politique fondée sur un programme. Largement répandu parmi le peuple, il conduit certain·e·s à l’abstention, d’autres à tourner leur colère vers des votes dégagistes. Depuis peu, le mouvement des Gilets Jaunes exprime une colère chaude, agissante et ne se contentant plus du refus des élections, réclamant non seulement une politique de justice sociale et fiscale, mais aussi, très largement, des moyens démocratiques de prendre des décisions, ou de contrôler les décisions prises par les représentant·e·s au nom du peuple.
Initiative populaire extrêmement réduite (article 11)
Une solution pour que le peuple puisse exercer sa souveraineté serait l’initiative citoyenne de propositions, puis l’organisation d’un vote par référendum. Cette possibilité existe bien, mais ses modalités d’application rendent son utilisation réelle particulièrement hypothétique.
En effet, seul le troisième alinéa de l’article 11 prévoit une initiative partiellement populaire des lois. Et encore ! Il faut le concours de 1/10e du corps électoral, c’est‑à‑dire tout de même plus de 4 millions de personnes, puis réunir les signatures d’1/5e des parlementaires soit 185. Ces deux conditions cumulées rendent quasiment impossible la réunion de signatures nécessaires. En tout état de cause, cet alinéa n’a jamais pu être mis en œuvre depuis son adoption en 2008. La triste page officielle des référendums d’initiative partagée sur le site du ministère de l’intérieur l’atteste) : les listes de propositions de loi référendaires y sont vides.
Les élus au centre : seuls à l’initiative et aucune possibilité de révocation
Le peuple est cantonné dans un rôle passif, consistant à déléguer entièrement sa souveraineté lors d’élections qui ont de moins en moins de sens politique, et servent de plus en plus à sanctionner un·e sortant·e plutôt qu’à choisir réellement. Les élections intermédiaires à l’élection présidentielle font souvent office de vote de soutien ou de défiance à l’égard du Président de la République, plutôt que de répondre aux enjeux spécifiques des élections.
Face à cela, les élu·e·s peuvent croire à tort que leur élection signifie une carte blanche qui leur a été laissée pour la durée de leur mandat. Qu’ils et elles appliquent ou non le programme sur lequel ils et elles se sont fait élire, le peuple qui les a mandaté·e·s ne peut rien faire sauf attendre la fin du mandat, et éventuellement les sanctionner en ne les réélisant pas, à supposer qu’ils et elles souhaitent se représenter. Pire, le président de la République jouit d’une irresponsabilité institutionnelle et pénale qui rend la souveraineté populaire très théorique. Son action n’a aucun contre‑pouvoir institutionnel qui limiterait son pouvoir. Le Gouvernement, qui n’est pas élu, peut, en tout cas théoriquement être renversé par une motion de censure de l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale, elle, peut être dissoute par le Président de la République.
Mais le peuple n’a aucun pouvoir de révocation ou d’action sur les décisions des élu·e·s de quelque ordre que ce soit.
Une telle passivité du peuple n’est pas une condition démocratique de l’exercice de la souveraineté populaire.
Le référendum est une option à la discrétion des élu·e·s
Il existe bien la possibilité de faire des référendums nationaux ou locaux, de façon à solliciter l’avis des citoyen·ne·s. Les référendums nationaux sont en théorie contraignants, mais l’exemple du vote de 2008 allant à l’encontre du référendum de 2005 montre les limites de l’exercice.
Plus encore, ces référendums sont uniquement à l’initiative des élus, hormis les improbables référendums d’initiative partagée. Pour les référendums locaux, les articles L.O. 1112‑1 et suivants du code général des collectivités territoriales prévoient que l’exécutif local est seul compétent pour proposer à l’assemblée délibérante l’organisation d’un référendum portant sur un projet de texte relevant de sa compétence.
Le référendum législatif, prévu au premier alinéa de l’article 11 de la Constitution, permet au président de la République, sur proposition du Gouvernement ou proposition conjointe des deux assemblées, de soumettre au peuple un projet de loi qui peut porter sur différents sujets comme l’organisation des pouvoirs publics, l’autorisation de ratifier un traité international, ou encore les réformes affectant la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et les services publics y concourant. Mais ces référendums sont uniquement à l’initiative des pouvoirs exécutifs ou législatifs, non du peuple lui‑même.
Les référendums peuvent également intervenir pour approuver une révision constitutionnelle, plutôt que de passer par un vote au Congrès où une majorité des 3/5e des parlementaires doit être obtenue pour approuver la révision. L’article 89 de la Constitution prévoyant ces modalités précise bien que l’approbation par référendum est la règle, mais le référendum n’a pas lieu « lorsque le président de la République décide de la soumettre au Parlement réuni en Congrès ». Dans les faits, sur les vingt‑quatre révisions de la Constitution, seules deux ont été approuvées par référendum, celle concernant l’élection du président de la République au suffrage universel direct en 1962, et celle relative au passage au quinquennat en 2000. À cela on peut ajouter l’approbation du traité de Maastricht, par référendum, qui a ensuite occasionné une révision constitutionnelle de mise en conformité, elle approuvée par le Congrès.
Impossibilité de changer de constitution
Pire, la Constitution ne prévoit aucun dispositif pour changer entièrement de Constitution, et changer de République. Le texte prévoit des modalités de révision de la Constitution, et l’article 11 pourrait permettre de convoquer une assemblée Constituante. Mais le principe même de la Constituante n’existe nulle part explicitement dans le texte. Alors que le principe existait dans la déclaration des droits de l’homme du 24 juin 1793 dans son article 28 « un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures ».
Ainsi, la Constitution ne prévoit aucun moyen explicite de passer à une nouvelle Constitution, que ce soit à l’initiative des élu·e·s, du Gouvernement, et encore moins du peuple. Ce qui veut dire que théoriquement, la Constitution actuelle est censée perdurer éternellement. Pourtant, celle‑ci a été rédigée à la hâte, sous la pression de la guerre d’Algérie et du chantage du Général de Gaulle échangeant son retour aux affaires contre la rédaction d’une nouvelle constitution. Cette rédaction a été quelque peu encadrée, puisque de Gaulle a été habilité pour cela par le Parlement, avec la loi constitutionnelle du 3 juin qui prévoyait quelques bornes à la rédaction de la nouvelle Constitution : le suffrage universel comme source de souveraineté, la séparation des pouvoirs, le contrôle de l’exécutif par le Parlement par exemple. La Constitution a été rédigée par Michel Debré, avec un comité d’experts, de hauts fonctionnaires, avec quelques modifications parlementaires marginales dont l’avis n’était que consultatif. La rédaction commence en juin, et est soumise au Conseil d’État en août 1958, le peuple est invité à plébisciter en septembre un texte rédigé par des hommes de l’État pour les hommes d’État, bouclé en quatre mois à peine. C’est la première fois en France que des lois constitutionnelles ne sont pas rédigées suite à un débat parlementaire contradictoire.
Depuis 1958, nous sommes enchaînés juridiquement à cette constitution qui n’a été débattue par personne. Là est sans doute la source fondamentale du manque de possibilités institutionnelles de mettre en œuvre la souveraineté populaire, et de l’impossibilité du pouvoir d’initiative citoyenne de propositions de loi.
La Constitution n’a pas été écrite par le peuple et pour le peuple. Elle n’a même pas été écrite et débattue par une assemblée quelconque. Elle a été approuvée par référendum d’un bloc, et tire sa légitimité de ce référendum, mais jamais le peuple n’a pu s’en emparer. En conséquence, le peuple est absent de la Constitution, et son rôle se cantonne souvent à celui d’une caution démocratique, qui choisit ses représentant·e·s, et rien de plus. Les possibilités d’intervention populaire au sein de ses propres institutions sont particulièrement restreintes.
La Constitution de 1958 présente donc des manques évidents pour mettre réellement en œuvre les principes définis dans l’article 3 et voir s’exercer la souveraineté populaire, faisant en sorte que le peuple puisse être à l’initiative, et pas seulement en réaction aux votes programmés à l’avance ou que les élu·e·s veulent bien leur soumettre.
Il faut introduire dans la Constitution les mécanismes d’initiative citoyenne
Les institutions actuelles sont complètement sclérosées. Les taux d’abstention témoignent de la délégitimation globale des institutions et des élu·e·s qui les animent. Il est plus que temps de passer à une 6e République par l’élection d’une assemblée Constituante. Mais les conditions de mise en œuvre de l’article 11 rendent ce scénario particulièrement hypothétique.
La présente proposition de révision constitutionnelle a donc pour but d’introduire dans la Constitution actuelle les mécanismes d’initiative citoyenne qui y manquent cruellement : par l’introduction de la possibilité de faire des référendums d’initiative citoyenne législatifs, abrogatoires, révocatoires des élu·e·s et de convocation d’une assemblée Constituante.
Dans tous les cas, il s’agit de permettre l’initiative citoyenne de référendums, suite à la pétition d’une partie du corps électoral pertinent (national pour ce qui concerne la loi, sur la circonscription d’élection pour la révocation des élu·e·s locaux). Si le nombre de signataires est réuni, alors un référendum est organisé, et c’est le peuple qui décide d’approuver ou désapprouver la proposition de loi, d’abroger ou de garder la loi, de révoquer ou de garder un élu, de convoquer ou de ne pas convoquer une assemblée Constituante.
Référendum législatif (PPL, PPLO, PPLC)
Le Référendum d’initiative citoyenne législatif a pour but de permettre au peuple de proposer lui‑même une proposition de loi et de la soumettre directement au référendum. Il concerne l’ensemble des questions relevant du domaine de la loi, y compris, le cas échéant, les activités économiques. Les propositions de loi peuvent être ordinaires, organiques, ou constitutionnelles afin de réviser la Constitution sur un point. Ce dernier point est garanti par la formulation retenue. Si le nombre de pétitionnaires requis est atteint, le RIC permettra effectivement de modifier partiellement la constitution sans convocation préalable d’une assemblée constituante.
Référendum abrogatoire
Le Référendum d’initiative citoyenne abrogatoire est de même nature que le précédent. Mais il s’agit cette fois‑ci non pas de proposer un ajout à la législation, mais d’abroger une loi qui aurait été votée par le Parlement contre l’avis du peuple.
Référendum révocatoire
Concernant le référendum révocatoire, la présente proposition de révision constitutionnelle propose des mécanismes permettant d’articuler l’expression de la souveraineté du peuple, l’initiative populaire, la nécessaire stabilité des institutions pour que l’exercice d’un mandat soit viable, le contrôle populaire des mandaté·e·s, et la légitimité des élu·e·s à exercer leur mandat. L’article unique propose en effet que tous les échelons électifs, maires, conseiller·e·s municipaux, président·e·s ou conseiller·e·s départementaux ou régionaux, conseiller·e·s territoriaux, mais aussi parlementaires et président·e de la République puissent être soumis·es à un référendum révocatoire, à partir de la moitié de leur mandat, si une pétition référendaire réunit 5 % du corps électoral d’origine.
Si les signatures des citoyen·ne·s sont réunies, l’élu·e peut alors défendre son bilan de mi‑mandat, montrer qu’il·elle a parfaitement respecté son programme, et que l’opposition organise une campagne de révocation qui n’est pas justifiée, ou alors l’opposition et les citoyen·ne·s auront l’occasion de montrer que l’élu·e ne respecte pas son programme, fait le contraire de ce qu’il·elle avait promis, et qu’il·elle doit être révoqué·e et de nouvelles élections se tenir. La révocation n’a lieu qu’après un vote majoritaire.
Ce droit de révocation impose en particulier au Président de la République une responsabilité permanente vis‑à‑vis du peuple, et confère au peuple un pouvoir de contrôle régulé et institutionnel du « garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ». Ainsi, tout·e électeur·trice pourra voter en quiétude. Il saura disposer désormais d’un pouvoir de contrôle des Présidents de la République qui se renient, trahissent leurs engagements et tournent casaque dès leur arrivée au pouvoir.
Par ailleurs, en prévoyant que ce référendum ne peut se tenir qu’après la moitié du mandat (et donc après au moins deux ans et demi), et n’aboutir que si une majorité absolue des suffrages exprimés est obtenue, il ne peut être sérieusement soutenu qu’un tel mécanisme, particulièrement encadré, mènerait à une quelconque instabilité institutionnelle.
En même temps, le principe est suffisamment encadré pour que ce droit ne perturbe pas l’ordre démocratique, mais soit au contraire employé avec parcimonie par les électeurs·trices, à l’instar de ce que montrent les expériences étrangères. En effet, le droit de révocation est en vigueur, à différents degrés et pour différents élus publics, notamment dans 19 États des États‑Unis d’Amérique, un État du Canada, six cantons suisses.
Si le Président de la République était révoqué, dans les conditions prévues par l’article 7 de la Constitution, le Conseil Constitutionnel déclarerait son empêchement définitif, et le scrutin pour l’élection du nouveau Président aurait lieu dans les vingt jours au moins et trente‑cinq jours au plus après cette révocation. Ce dispositif permet pleinement d’allier l’exigence démocratique avec la nécessité d’assurer la continuité et le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.
Le droit de révocation doit également s’appliquer aux représentant·e·s nationaux du peuple : député·e·s et sénateurs·trices, ainsi qu’à tous les échelons électifs locaux (un exécutif d’une collectivité territoriale [maire, président·e du conseil départemental ou régional] peut par là même être révoqué·e en tant qu’élu·e).
Référendum convoquant une Constituante
Enfin, dans l’optique de permettre toujours la souveraineté du peuple, celui‑ci doit pouvoir décider de changer complètement de Constitution, de convoquer une assemblée Constituante pour refonder entièrement ses institutions, recréer un contrat social. Il s’agirait de réunir des pétitionnaires, puis d’organiser comme dans les autres cas un référendum pour savoir si le peuple approuve l’idée de convoquer une Constituante. Si le oui l’emporte, la Constituante est convoquée, et soumet à son tour au référendum le produit de ses travaux. Si le oui l’emporte à nouveau, la nouvelle Constitution entre en application.
Exposé des motifs de 2023
Mesdames, Messieurs,
La souveraineté du peuple, un principe constitutionnel
« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. », ainsi, l’article 3 de notre Constitution fonde la souveraineté démocratique sur la souveraineté du peuple.
Ainsi, l’article 89 de la Constitution soumet les modifications constitutionnelles au référendum « La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum ».
Néanmoins, au regard de sa rédaction actuelle, l’article 89 de la Constitution permettant le droit de révision ne laisse que peu de place à l’exercice de la souveraineté populaire, puisqu’il n’en autorise l’initiative qu’à deux corps : celui de l’exécutif et celui des parlementaires – ne permettant ainsi aucune initiative populaire.
Pourtant, un peuple devrait toujours avoir le droit de modifier et changer sa Constitution, comme en disposait d’ailleurs la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1793.
Ainsi, il est de notre devoir de rendre effectif ce droit légitime et fondamental, sans le cantonner aux représentant•es, mais en permettant justement qu’il soit exercé directement par ceux que le texte constitutionnel vise : le peuple souverain.
Un contexte de négation des contestations et de l’expression populaire
Parce que depuis des années de contestations répétées, arrivées à leur apogée aujourd’hui et bâillonnées par le déploiement excessif de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, il est urgent d’entendre les revendications des citoyen•nes. Il est fondamental et nécessaire que les citoyen•nes aient à leur disposition davantage d’outils démocratiques concernant les principes qui régissent les fondements de notre vivre‑ensemble.
L’issue du référendum de 2005 a produit une sidération et une méfiance durable auprès de nos concitoyen•nes. D’une part, parce que le résultat du vote n’a pas été pris en compte ; d’autre part, car depuis ce dernier referendum, les citoyens n’ont plus jamais eu la possibilité de s’exprimer en dehors des élections.
Cela fait plus de quinze ans qu’il n’y a pas eu de vote par référendum, ce qui constitue un record dans la Ve République, qui accorde pourtant une si grande importance à l’institution référendaire. À cet égard, la France apparaît comme particulièrement en retard sur ses voisins – irlandais ou danois notamment –, qui se rendent bien plus fréquemment aux urnes pour décider d’enjeux majeurs.
Une pratique actuelle détournant l’esprit de l’article 89 de la Constitution
Notre Constitution énonce clairement que toute révision constitutionnelle « est définitive après avoir été approuvée par référendum ». L’approbation référendaire constitue le principe de toute révision constitutionnelle. Toutefois, comme de nombreux principes, il dispose d’exceptions qui en limitent l’effectivité. En effet, le référendum peut être contourné lorsque le Président de la République décide de soumettre le projet de révision constitutionnelle au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision est approuvé s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés (alinéa 3 de l’article 89 de la Constitution).
Or cette disposition a été utilisée plus que de raison, jusqu’à s’ériger en principe. Sur les 22 révisions constitutionnelles adoptées sur le fondement de cet article depuis 1958, 21 l’ont été par le biais de cette procédure dérogatoire. Il faut donc l’admettre : l’esprit de la Constitution de 1958 a été détourné, et les contestations des citoyen•nes sont un rappel à l’ordre en la matière.
La nécessité de rendre au référendum son effectivité
Le référendum doit être remis au cœur de nos institutions, et ce, par le biais de deux processus permis par cette proposition de loi.
D’une part en abrogeant la possibilité d’approuver les modifications constitutionnelles par voie parlementaire, donnant ainsi à l’ensemble de l’électorat le dernier mot sur notre texte fondamental. 74 pays exigent cette condition pour réviser leur Constitution, et il ne fait aucun doute aujourd’hui qu’ils parviennent bien mieux que les autres à limiter les conflits sociaux et la méfiance envers les institutions, l’enjeu est de renouer avec une souveraineté populaire fondamentale pour une démocratie.
D’autre part en élargissant le droit d’initiative des révisions constitutionnelles à l’ensemble de l’électorat, qui est une revendication très populaire en France et déjà en vigueur dans une cinquantaine d’États. Une telle initiative sera conditionnée au recueil d’un seuil minimal de signatures de personnes inscrites sur les listes électorales, seuil défini par une loi organique. Il convient de préciser qu’à ce jour, un•e seul•e député•e peut initier une proposition de révision constitutionnelle alors qu’il ne représente que 80 000 électeur•rices inscrit•es environ ; un seuil de 700 000 signatures serait donc proportionnellement suffisant en termes de représentativité pour déclencher un processus législatif.
Il est urgent de revenir à l’esprit de notre Constitution et d’actualiser l’exercice du pouvoir politique en France. Le droit d’initiative citoyenne étant revendiqué de façon visible et répétée ces dernières années, nous devons prendre exemple sur les expériences aux retours très positifs d’autres pays comme la Suisse et plusieurs États américains.
Le renforcement de l’esprit démocratique de notre Constitution
Cette initiative à la portée des citoyen•nes leur permettra d’exercer un contrôle légitime plus fort sur le système politique qui régit leur quotidien et leur vie, et ainsi restaurer la confiance avec leurs représentant.es.
Une réticence injustifiée face à l’initiative citoyenne en matière constitutionnelle
Il convient de remarquer que le droit à l’initiative citoyenne en matière constitutionnelle a donné lieu à de nombreuses craintes selon de nombreuses études. À ces craintes et fantasmes, il convient d’y opposer des faits.
D’une part, ce droit n’a pas conduit à une inefficience économique ; la Suisse est le pays le plus efficient d’Europe et la Californie a dépassé le produit intérieur brut (PIB) de la France en 2016 alors qu’elle abrite un nombre inférieur d’habitants.
D’autre part, ce droit d’initiative n’a conduit à aucune remise en cause de droits fondamentaux acquis par le passé dans les différents pays l’exerçant. En effet, aucun électorat dans les pays de l’Union européenne au XXe et XXIe siècles ne s’est prononcé en faveur de la peine de mort lors d’un référendum, le dernier en ce sens remonte à 1879 en Suisse.
Il est fondamental de rappeler que les citoyen•nes sont les premier.es concerné.es par des changements de droits, si bien que les pays qui disposent du droit à l’initiative citoyenne sont souvent ceux qui protègent le mieux les droits individuels selon le Human Freedom Index : l’Uruguay en Amérique latine, l’Oregon en Amérique du Nord, la Suisse en Europe, ainsi que de nombreuses îles de l’Océanie qui sont démocratiques et respectueuses des droits humains.
Dans tous ces pays, la plupart des révisions constitutionnelles ont été portées par les représentant.es mais parfois les initiatives citoyennes sont parvenues à introduire des changements très opportuns. Lorsque les décisions peuvent être critiquables, elles permettent, à minima, de réduire les tensions politiques et de préserver la cohésion sociale.
Par ses vertus pédagogiques et démocratiques, ce dispositif élargit le cadre des droits civiques dont les citoyens doivent pouvoir disposer dans une démocratie moderne.
Vous ne trouverez pas ici notre paragraphe habituel sur les points d’améliorations possibles pour davantage répondre aux attentes des Français car cette proposition, plus que minimaliste, a été allégée volontairement de la majorité des critères qui ont déjà été suggérés à l’auteur.
Les tableaux ci-dessous suffisent pour voir les critères qui ne sont pas respectés et ceux qui dépendent de ladite loi organique.
Rapport d’analyse détaillé de la proposition de loi sur le RIC de Jean-François Coulomme
Analyse et notation des principes
* Oui, mais au delà du fait que le seuil de signatures n’est pas indiqué, il est précisé que les conditions du dépôt sont “déterminées par une loi organique” qui n’a pas été rédigée. Il n’est donc pas possible de dire si l’initiative peut être qualifiée de “réellement citoyenne”.
** Oui, mais il n’est pas possible de proposer la ratification d’un nouveau traité, car le RIC constituant ne suffit pas ici à obliger le chef d’État à signer.
N.I.**? = en attente de la loi organique
↓Classement ↓
des propositions de RIC
Principes /100 |
Étapes /100 |
Modalités /100 |
Total /300 |
-
Danièle Favari (2022)
45 | 30 | 5 | 80 |
-
Weimar (1921)
32 | 40 | 5 | 77 |
-
Fabrice Gagnant - RIC 2.0 (2019)
15 | 11,5 | 6,5 | 33 |