À propos du Think Tank TERRA NOVA
Terra Nova est une association française, fondée en par Olivier Ferrand qui se définit comme un laboratoire d’idées. Proche du centre gauche, elle se veut progressiste et indépendante. Elle entend produire des réflexions et diffuser des propositions politiques en France et en Europe.
La proposition de RIC Délibératif rédigée en 2019 est signée par Loïc Blondiaux, Marie-Anne Cohendet, Marine Fleury, Bastien François, Jérôme Lang, Jean-François Laslier, Thierry Pech, Quentin Sauzay et Frédéric Sawicki.
Synthèse de l’analyse de la proposition de RIC de Terra Nova
Pour évaluer la qualité des différentes propositions de RIC, les spécialistes comparent le texte de loi aux critères exprimés et désirés par plus de 75% des Français dans les différentes consultations citoyennes : Parlement & Citoyen, Vrai Débat et Culture-RIC. La méthodologie consiste à chercher les différents éléments dans le projet de loi afin d’attribuer des notes par catégorie.
Note obtenue par Terra Nova
Note globale obtenue : 96 / 300
Nombre d’étoiles obtenues : 0 / 3
Obtention du Label RIC : Non
➤ Lire la proposition de RIC Délibératif de Terra Nova
Extrait de : https://tnova.fr/site/assets/files/11908/terra-nova_ric-deliberatif_190219.pdf
CONTENU DE LA PROPOSITION
PROPOSITIONS POUR UN RIC DÉLIBÉRATIF
- INITIATION DU PROCESSUS ET CONTRÔLE DE CONSTITUTIONALITÉ :
Nous suggérons que la proposition donnant lieu à collecte de signatures soit préalablement déposée devant une institution indépendante en charge du processus, cette institution pouvant être la Commission nationale du débat public (CNDP). Une commission de cette institution examine alors sa recevabilité. Soit elle la juge recevable et la transmet immédiatement au Conseil constitutionnel, qui vérifie qu’elle n’est ni contraire à la Constitution (contrôle de constitutionnalité) ni incompatible avec les conventions internationales (contrôle de conventionalité)26, soit elle la juge irrecevable et la rejette en motivant sa décision. Dans ce dernier cas, le ou les auteurs de la pétition peuvent faire appel de cette décision devant le Conseil constitutionnel.
Si, par l’une ou l’autre de ces voies, la proposition est validée et jugée conforme à la Constitution et aux conventions internationales, la collecte des signatures peut s’engager.
- MODE, NOMBRE ET CALENDRIER DES SOUSCRIPTIONS
Nous proposons que les signatures soient recueillies et traitées sur une plateforme digitale publique et sécurisée placée sous la responsabilité de l’institution indépendante en charge du processus, par hypothèse la CNDP. Pour éviter de pénaliser les publics éloignés des usages numériques, l’enregistrement des signatures pourra se faire de deux façons : a) directement sur la plateforme via un ordinateur/smartphone personnel ; b) en mairie, avec l’aide d’un agent public. Dans les deux cas, la procédure devra être conforme aux pratiques les plus avancées en matière de sécurisation (double signature, échange de SMS, etc.).
Pour un « RIC de proposition », nous suggérons que le nombre minimum de signatures requis soit fixé à 2 % du corps électoral (soit environ 900 000 personnes actuellement). Ce chiffre est un ordre de grandeur qui peut faire l’objet de discussions. Michel Rocard proposait ainsi en 1995 qu’il se situe entre 800 000 et 1 million d’électeurs. L’essentiel est de fixer un seuil assez élevé pour nécessiter un vrai effort de mobilisation et limiter le risque d’inflation électorale (cf. supra 2.6.), et suffisamment bas pour pouvoir être franchi. Les signatures devraient être réunies en moins de six mois. Là encore, de nombreuses alternatives sont possibles, mais il faut en tout état de cause fixer un délai qui rende l’exercice possible sans pour autant le faire traîner inutilement en longueur. Naturellement, rien n’empêche des groupes de citoyens de commencer à faire connaître leur intention de lancer une pétition référendaire et donc d’entrer en campagne avant le dépôt officiel de celle-ci auprès de l’institution compétente.
Un second seuil de souscriptions devrait être introduit pour les RIC d’abrogation. Nous suggérons de le fixer à 4 % du corps électoral, soit le double que pour les RIC de proposition. Cette procédure pourrait s’appliquer également aux propositions portant sur des questions fiscales ou touchant au domaine des lois organiques.
Il faudrait également prévoir des règles en cas de compétition entre plusieurs initiatives citoyennes simultanées. On pourrait ainsi décider que c’est la pétition qui a réuni le plus grand nombre de signatures qui est examinée en priorité. Ou encore qu’afin de concentrer l’attention publique et l’effort d’information et de délibération, on écarte la possibilité de campagnes sur plus de trois propositions en même temps.
- DROIT D’INTERPELLATION
Toute proposition de RIC n’atteignant pas le seuil de signatures requis mais obtenant quand même un nombre conséquent de soutiens (par exemple 1 % du corps électoral pour un RIC de proposition et 2 % du corps électoral pour un RIC d’abrogation ou portant sur une proposition fiscale ou une loi organique) pourrait être inscrite d’office à l’ordre du jour des assemblées. La proposition serait alors examinée en commission, c’est-à-dire possiblement amendable, puis nécessairement soumise au vote du plenum de l’Assemblée nationale.
- LA FONCTION DU RÉFÉRENDUM
Nous avons choisi de nous concentrer ici sur les RIC de proposition et d’abrogation. Ces derniers présentant une complexité particulière (en proposant au peuple de défaire ce qui a été fait par ses élus, ils organisent, comme on l’a vu, l’affrontement de deux sources de légitimité), ils devront être soumis à des conditions de validité plus exigeantes que les RIC de proposition (cf. supra 4.2. et infra 4.8.).
- VALIDITÉ DE LA QUESTION POSÉE
On pourra sortir du champ du RIC un certain nombre de questions, notamment la loi de finances et l’adoption ou la ratification de traités internationaux. Les questions fiscales feront en outre l’objet de la même procédure que les RIC d’abrogation (cf. supra 4.2. et infra 4.8.). De même que les propositions touchant au champ d’une loi organique.
La question posée par le RIC doit porter sur un sujet unique et respecter le principe d’unité de matière, de manière à assurer la clarté et la loyauté du scrutin.
Pour que le processus gagne en cohérence, on exclura également les questions générales à caractère non normatif. Pour qu’un RIC de proposition soit organisé, il faut alors qu’il se concentre sur une proposition ayant forme de loi.
- LES PROTOCOLES DE VÉRIFICATION
Plusieurs protocoles de vérification doivent être mis en place au cours de la procédure.
– Vérification des signatures. L’institution indépendante en charge du processus (par hypothèse, la CNDP) pourrait y procéder. La méthode par échantillon appliquée en Californie est une option possible.
– Contrôles de constitutionnalité et de conventionalité. Ceux-ci sont impératifs et auront déjà eu lieu au début de la procédure (cf. supra 4.1.).
- L’ASSEMBLÉE DES CITOYENS
Passé la collecte et la vérification des signatures requises, nous suggérons qu’une assemblée des citoyens soit constituée. Elle aurait pour fonction de : a) réaliser une étude d’impact en cas de victoire du « oui » en auditionnant les experts et en synthétisant les études existantes ; b) rédiger et adopter un rapport de quelques pages exposant les conséquences pratiques de chacune de deux options, texte qui sera ensuite associé au matériel électoral des citoyens.
Nous suggérons que cette assemblée rassemble 100 citoyens tirés au sort sur les listes électorales. Si l’on veut que les citoyens siégeant dans cette assemblée soient représentatifs de la population au sens descriptif du terme, il faudra mixer tirage au sort et méthode des quotas. Les citoyens tirés au sort pourront refuser de siéger dans cette assemblée et, dans ce cas, ils seront remplacés par d’autres. En tout état de cause, ceux qui accepteront seront indemnisés au niveau de la rémunération ordinaire des députés.
Pour éviter de tenir les parlementaires à l’écart du processus et d’affaiblir ainsi un peu plus leur fonction, on pourra exiger que cette assemblée accueille en outre un député par groupe parlementaire constitué à l’Assemblée nationale et au Sénat (soit, aujourd’hui, une douzaine d’élus). Une telle hybridation ne serait pas inédite : en Irlande en 2012, la convention constitutionnelle indépendante (cf. supra 3.1.3.) était ainsi composée de 66 citoyens tirés au sort et de 33 parlementaires désignés en proportion des groupes de la chambre basse. En tout état de cause, les représentants élus issus de l’Assemblée nationale et du Sénat devront rester largement minoritaires. Dans le cas où on ne retiendrait pas cette disposition et où on choisirait une assemblée purement citoyenne, on pourrait exiger qu’elle auditionne chaque groupe parlementaire.
L’assemblée se réunira une semaine par mois pendant trois mois ; ce rythme de travail permettra aux citoyens à la fois d’auditionner largement, de prendre le temps de la réflexion entre les sessions et de rédiger leur rapport. Elle sera présidée et animée par un(e) président(e) nommé(e) par une autorité indépendante (par hypothèse, la CNDP), qui ne prendra pas part au vote et sera choisi(e) pour son expérience en matière d’organisation des débats et du travail coopératif.
L’assemblée instruira le dossier en auditionnant des experts et personnalités qualifiées et en faisant l’inventaire des opinions et arguments pro et contra. Elle s’associera les services d’universitaires et autres experts pour réaliser une étude d’impact (social, budgétaire, réglementaire, etc.) qui sera rendue publique. Le rapport rédigé par l’assemblée devra en particulier comprendre une synthèse courte (quelques pages) qui sera fournie à titre de matériel de vote à tous les inscrits.
Ses séances plénières et auditions seront publiques, les travaux en commission se tenant à huis clos. On veillera à ce que les conditions matérielles, en particulier les conditions d’hébergement, permettent un travail serein des membres de l’assemblée.
- LES CONDITIONS DE VALIDATION DU RÉSULTAT
Nous proposons que, pour un RIC de proposition, la validation du résultat suppose une majorité absolue de « oui » sur l’ensemble des suffrages exprimés et un quorum de participation supérieur à 50 % des inscrits. Dans ces conditions, il ne serait plus possible qu’une réforme soit, comme en 2000 lors du référendum sur le quinquennat, adoptée par une étroite minorité d’inscrits27. Pour un RIC d’abrogation ou portant sur une question fiscale, elle supposerait que les « oui » représentent plus de 50 % des inscrits (ex : avec un taux de participation de 75 %, le « oui » ne peut l’emporter que s’il dépasse 66 % des suffrages exprimés).
- LA PORTÉE DU RÉSULTAT
Le résultat du RIC de proposition ou d’abrogation est d’application directe.
- ORGANISATION ET FINANCEMENT DES CAMPAGNES
Certains exemples étrangers (Suisse, Californie) montrent que les chances de collecter de nombreuses signatures et donc de pouvoir obtenir l’organisation d’un référendum sont d’autant plus grandes que ses promoteurs disposent de moyens financiers importants. Le RIC ouvre ainsi la voie à de puissants intérêts privés pour faire adopter des lois qui les favorisent ou les protègent. En interdisant, depuis 1995, le financement des partis politiques et des candidats aux élections par les entreprises privées, la loi française s’est efforcée de limiter l’influence des lobbies économiques. Des dispositifs de même nature doivent être adoptés pour les RIC.
Acteurs de la vie démocratique, les partis politiques, les associations, les syndicats sont en revanche parfaitement légitimes pour appeler à soutenir une initiative référendaire, voire pour en être les promoteurs. Pour garantir la transparence sur les initiateurs d’une pétition référendaire et sur les sources de son financement, et pour permettre un égal accès à tous
aux moyens de se faire entendre, les initiatives et les campagnes référendaires doivent cependant être encadrées.
Pour garantir ces principes plusieurs conditions minimales sont nécessaires.
27 Pour mémoire, lors du référendum de 2000 sur l’institution du quinquennat, le « oui » recueillait un peu plus de 73 % des suffrages exprimés, mais avec un taux de participation légèrement supérieur à 30 % des inscrits. Autrement dit, la décision a été emportée alors avec l’assentiment d’à peine plus de 22 % des électeurs.
ξ Les campagnes de pétition destinées à obtenir l’ouverture d’un référendum doivent faire l’objet de la création d’une association de financement et de la désignation d’un mandataire financier dans les mêmes conditions que n’importe quelle campagne électorale. Cette association est la seule habilitée à recevoir des dons. Son budget doit être soumis, une fois la pétition déposée et validée, au contrôle de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) qui rend publics les comptes.
ξ Tout achat de signatures, assimilable à un achat de voix, entraînerait l’invalidation automatique de la pétition.
ξ Les dons à cette association ne peuvent émaner que de particuliers, dans la limite de 750 euros par personne et par initiative. Le recours à des prestataires privés pour collecter des signatures est interdit. Le recours à la publicité privée devra être sérieusement encadré.
ξ La fixation d’un plafond de dépenses permettra d’éviter le détournement ploutocratique du RIC.
ξ Une fois le référendum validé, toute association à but non lucratif a le droit de faire campagne pour ou contre la question soumise à référendum et d’y engager une partie de ses fonds propres mais ne peut lever des fonds spécifiques pour participer à la campagne référendaire. Seule une association nationale destinée à soutenir le « oui » ou le « non » est habilitée à recevoir des dons spécifiques, sous forme uniquement individuelle, et plafonnés à 30 euros par citoyen en âge de voter. Ce seuil permet de ne pas favoriser les citoyens les plus aisés.
ξ Une somme forfaitaire, à déterminer par la loi, ne devant pas excéder 150 000 euros, est versée sous forme de subvention à ces associations nationales si elles sont constituées.
ξ Un temps d’antenne sur les chaînes publiques est réservé à parité pour le « oui » et le « non », une fois la campagne référendaire ouverte. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel est chargée de contrôler l’égalité de traitement entre partisans du « oui » et du « non ».
- AFFAIBLISSEMENT DU PARLEMENT
Dans le cas particulier de la France, il faudrait veiller à ce que le RIC ne soit pas une nouvelle manière d’affaiblir le Parlement. C’est pourquoi il serait opportun que la création d’une telle procédure référendaire soit couplée avec un renforcement du pouvoir parlementaire par ailleurs. Afin de protéger la légitimité du parlement, il pourrait en outre être envisagé d’interdire les RIC dans l’année précédant la fin de la mandature, soit un an avant l’élection législative (afin d’éviter ainsi des formes de pré-campagne législative implicites). Pour les mêmes raisons, nous proposons qu’un petit nombre de députés soient associés à l’assemblée des citoyens et à ses travaux (cf. supra 4.7.).
Conclusion du Label RIC
La formulation de RIC contenue dans cette proposition correspond bien à son intitulé : un “RIC délibératif”, mais très difficilement décisionnel (du fait d’un quorum participatif très élevé, connu de par le monde pour être rédhibitoire) et avec la possibilité que l’initiative citoyenne soit déclarée irrecevable par une institution (la CNDP est donnée en exemple), puis en cas d’appel par le Conseil constitutionnel.
Néanmoins, cette rédaction répond à certaines attentes des Français, plus spécifiquement sur les étapes des RIC proposés : choix éclairés par des informations complètes et contradictoires, contrôle des signatures, validation du financement induit par la proposition. Concernant les principes, quelques éléments sont respectés : initiative permettant de proposer ou abroger des lois, référendum ouvert à l’ensemble de la population ayant le droit de vote. Enfin, certaines modalités correspondent aux attentes, par exemple le contrôle du financement des campagnes référendaires, l’unité de matière (un seul sujet par initiative) et la procédure pour éviter la prise de pouvoir par une minorité de citoyens.
En l’état, cette proposition n’obtient pas le label. Avec une note de 96/300, il serait nécessaire que de sérieuses améliorations soient apportées. Ci-dessous, quelques pistes pour qu’elle soit plus en conformité avec les critères attendus.
Points d’améliorations possibles
Les critères retenus pour étudier les propositions sont issus des plus grandes consultations réalisées à ce jour en France. Les personnes ayant répondu à ces consultations ont des attentes précises non satisfaites qui pourraient venir compléter judicieusement la proposition. Notamment celles vis-à-vis de la volonté d’une initiative réellement citoyenne (c’est à dire sans aucun filtre) débouchant sur un référendum réellement décisionnel (sans quorum de participation excessif), ouvert à l’ensemble de la population ayant le droit de vote, dont les modalités ne seraient modifiables que par référendum et dont les résultats seraient supérieurs à la décision de tout autre acteur politique. Pour correspondre aux attentes, ce RIC devrait également permettre de modifier la Constitution, de révoquer des élus, de convoquer ou de dissoudre une assemblée, de ratifier ou dénoncer des traités. Par ailleurs, l’accès rapide et détaillé à l’information ainsi qu’une mise en place d’une veille permettraient d’améliorer grandement la capacité des citoyens à initier les référendums. Enfin, pour les modalités non citées ci-dessus et non proposées dans cette proposition, on note principalement la demande d’un temps de parole égal dans les médias, des fréquences de vote raisonnables et une procédure concrète pour une mise en application.
Il est à noter qu’une prise en compte de ces attentes permettrait d’obtenir les trois étoiles et donc le Label RIC.
Observations
Par ailleurs, cette proposition émanant d’un « think tank » composé de professeurs et d’intellectuels, on pourrait s’attendre à une proposition de loi constitutionnelle formalisée. Cela éviterait de devoir se contenter d’intentions issues d’une réflexion de 38 pages. L’équipe du Label RIC reste donc dans l’attente d’une proposition en bonne et due forme, pour réaliser une nouvelle évaluation
Rapport d’analyse détaillé de la proposition de RIC de Terra Nova
↓Classement ↓
des propositions de RIC
Principes /100 |
Étapes /100 |
Modalités /100 |
Total /300 |
-
Danièle Favari (2022)
45 | 30 | 5 | 80 |
-
Weimar (1921)
32 | 40 | 5 | 77 |
-
Fabrice Gagnant - RIC 2.0 (2019)
15 | 11,5 | 6,5 | 33 |